La Mairie de Paris a décidé d'organiser une votation citoyenne le 4 février 2024 par laquelle elle prévoit de demander aux Parisiens de se prononcer sur deux questions, une question d'intérêt parisien et une question d'intérêt local. La question d'intérêt parisien concerne les SUV - acronyme de "sport utility vehicle", en français "véhicule utilitaire sport". Dans le 8e arrondissement, la question d'intérêt local concerne l’accélération de la piétonnisation et de la végétalisation des voies, notamment dans les rues de Monceau et de Liège. Si c'est la deuxième fois qu'une votation est organisée sur un sujet parisien, après les trottinettes en avril 2023, c'est la première fois que les Mairies d'arrondissement ont pu aussi soumettre une question propre à leur arrondissement. Le vote sera ouvert aux seuls Parisiens inscrits sur les listes électorales (les procurations ne sont pas autorisées). Il se déroulera exclusivement en Mairie du 8e arrondissement le dimanche 4 février de 9h à 19h.
Le règlement de la votation du 4 février 2024 le rappelle dès son préambule : "en dehors des cas régis par des dispositions législatives ou réglementaires", toute commune peut "associer le public à la conception d'une réforme ou à l'élaboration d'un projet ou d'un acte". Puisqu'il s'agit d'une simple association, il ne s'agit pas, a contrario, d'une décision. Autrement dit, juridiquement, une "votation" n'est ni un "vote", ni un "référendum local décisionnel". Politiquement, la Ville de Paris peut donc ne pas tenir compte des résultats de la votation.
Pour ou contre la création d'un tarif SUV à Paris ?
La question d'intérêt parisien mise au vote lors de la votation du 4 février concerne les SUV. La Ville de Paris définit sur son site un SUV comme "un type de véhicule qui combine des caractéristiques d'une voiture de tourisme avec celles d'un véhicule utilitaire, souvent caractérisé par sa taille plus grande et son poids plus important : un SUV pèse 200 kg de plus qu’un véhicule standard, mesure 25 cm plus long et 10 cm plus large" (source : page dédiée du site web de la Ville de Paris).
Les Parisiens sont appelés à se prononcer pour ou contre l'augmentation des prix de stationnement pour les SUV. En cas de votation positive, la tarification du stationnement pour un véhicule SUV serait ainsi triplée par rapport à celle applicable à un véhicule normal.
"Pour ou contre la création d’un tarif spécifique pour le stationnement des voitures individuelles lourdes, encombrantes, polluantes ?" (libellé de la question d'intérêt parisien posée lors de la votation du 4 février)
J'observe en premier lieu que l'affiche faisant la publicité de la votation est délibérément trompeuse et "racoleuse", probablement pour mobiliser les électeurs parisiens. Contrairement au libellé exact de la question posée, elle laisse en effet penser que le nombre de SUV pourrait être directement et certainement réduit à l'occasion de la votation. Or, seul les tarifs du stationnement des SUV pourraient l'être. Si l'augmentation de ces tarifs pourrait à son tour entraîner une diminution du nombre des SUV, ce lien de causalité ne serait ni direct ni certain.
La mesure concernerait les visiteurs détenteurs d'un SUV dépassant le poids réglementaire, les propriétaires d'un véhicule thermique ou hybride rechargeable de plus d'1,6 tonne, ainsi que les propriétaires de tout type de véhicule de plus de 2 tonnes. D'après Mme HIDALGO, les véhicules concernés par la mesure représenteraient environ 10% du parc automobile sur Paris. Elle ne concernerait pas, en revanche, les résidents parisiens et les professionnels sédentaires stationnés dans leur zone de stationnement autorisés, les artisans, professionnels de santé et éligibles au tarif pro, les personnes à mobilité réduite et titulaires d'une carte mobilité inclusion, ainsi que les chauffeurs de taxi dans les stations dédiées.
Je suis opposée à cette initiative municipale, sur le fond comme sur la forme. D'abord, l'exonération des résidents parisiens est beaucoup trop limitée puisque restreinte aux seuls résidents stationnés dans leur zone de stationnement. Les habitants du 8e qui possèdent ce type de véhicule, lequel représente plus de 28% du nombre total de véhicules particuliers dans l'arrondissement, soit plus de 20 000, verraient ainsi les tarifs du stationnement de leur SUV tripler dès lors qu'ils circuleraient dans la capitale et stationneraient hors de leur zone de résidence. C'est inacceptable.
Ensuite, pour la Maire de Paris, cette votation du 4 février serait "un message adressé aux constructeurs automobiles. Leur course au profit, qui consiste à vendre délibérément des véhicules toujours plus gros, plus consommateurs et plus chers, met en péril la transition écologique. Avec cette votation, les Parisiens peuvent choisir d’apaiser leur espace public mais aussi défendre un nouveau modèle de société". Mais avec 1,75% des suffrages exprimés au 1er tour de l'élection présidentielle de 2022, plus lourde défaite de l'histoire des socialistes sous la Ve République, dont moins de 23 000 voix à Paris, soit à peine 2,17%, je ne sache pas que Mme HIDALGO ait récemment reçu le moindre mandat des Français et des Parisiens afin de proposer un nouveau "modèle de société"... Au secours ! Si elle pouvait se contenter de ne pas transformer Paris en contre-modèle de ville-capitale, ce serait déjà heureux et bien suffisant.
Mme HIDALGO cherche manifestement à arborer l'étendard de l'écologie en sacrifiant les familles parisiennes sur l'autel d'une mesure électoraliste. En compliquant leur circulation automobile dans Paris et en revendiquant ad nauseam une "ville du quart d'heure", sans pour autant (faire) améliorer les transports en commun (certes, cela ne relève pas directement de sa compétence mais du syndicat Île-de-France Mobilités, au sein duquel Paris est toutefois un département membre important parmi d'autres collectivités), la Maire de Paris contribue à aggraver une forme de ségrégation... C'est un peu chacun chez soi, dans son quartier, et les moutons seront bien gardés ! Un tel comportement est décidément emblématique d'une gauche "frelatée", qui prétend d'autant plus dire ce qu'il faudrait faire qu'elle se garde bien de faire ce qu'elle dit...
En cas de votation positive, je serai très vigilante afin de prévenir toute évolution de la réglementation qui pénaliserait encore un peu plus la mobilité des familles parisiennes, donc leur facilité et leur qualité de vie. Il faudra notamment que la Mairie de Paris donne des assurances pour que la mesure du triplement des tarifs de stationnement ne soit pas étendue également, à terme, aux résidents parisiens stationnés dans leur zone.
Je suis enfin réservée sur la forme de l'initiative. Je déplore le calendrier de l'annonce de cette votation, dans le cadre d'une "communication de crise" de la Maire de Paris qui, pour détourner l'attention publique de "l'affaire Tahiti", a multiplié début novembre les annonces comme autant de contre-feux médiatiques et politiques : après la votation sur les SUV, le "Plan Piéton" 2023-2030, le nouveau "Plan Climat" 2024-2030, l'abaissement à 50 km/h de la vitesse sur le périphérique après les JOP de Paris 2024, etc.
Dans le 8e arrondissement, pour ou contre l'accélération de la piétonnisation et de la végétalisation ?
Pour la première fois, les mairies d’arrondissement ont aussi pu soumettre à la votation du 4 février 2024 une question d’intérêt local propre à leur arrondissement. Dans le 8e arrondissement, cette question concerne l’accélération de la piétonnisation et de la végétalisation des voies, notamment dans les rues de Monceau et de Liège.
"Pour ou contre accélérer la piétonnisation et la végétalisation des voies du 8e arrondissement et plus particulièrement certaines portions de la rue de Monceau et de la rue de Liège ?" (libellé de la question d'intérêt local dans le 8e arrondissement posée lors de la votation du 4 février)
Je me réjouis de la nouveauté de principe que représente la mise au vote de questions d'intérêt local dans le cadre des votations organisées par la Mairie de Paris. A priori, c'est une évolution plutôt positive de la démocratie locale participative, sous réserve bien sûr de l'importance et de l'urgence des sujets effectivement traités.
Je crois d'ailleurs que cette nouveauté pourrait justifier la réinscription sur les listes électorales à Paris de tous les Parisiens qui préfèrent encore voter en province, là où ils ont parfois le sentiment que leur bulletin de vote est plus utile car pouvant plus facilement faire la différence...
Je me réjouis aussi de la prise en considération des rues de Monceau et de Liège, deux aménagements sur lesquels j'ai déjà eu l'occasion de me mobiliser.
La formulation de la question d'intérêt local posée le 4 février soulève toutefois d'autres questions. J'ai d'ailleurs écrit un courrier à la Maire du 8e arrondissement :
quels tronçons de la rue de Monceau et de la rue Liège seraient concernés par une accélération de la piétonnisation de la végétalisation ?
quelles voies précises seraient concernées par une accélération de la piétonnisation et de la végétalisation - hormis la rue de Monceau et la rue de Liège ?
la Mairie du 8e arrondissement compte-elle organiser des réunions publiques de concertation avec les riverains sur ces différents projets de piétonnisation et de végétalisation ?
quel est l'état final recherché par les Mairies de Paris et du 8e arrondissement en termes de plan de circulation pour le quartier Europe ? Des études d'impact ont-elles été réalisées pour en assurer la cohérence d'ensemble, y compris avec les arrondissements voisins, à commencer par le 9e arrondissement où sont réalisés de nombreux aménagements, notamment rue de Clichy ?
En effet, le plan de circulation du quartier Europe a déjà fait l'objet de nombreuses modifications ces quatre dernières années dans le cadre de la démarche municipale "Embellir votre quartier" : "vélorue" rue d'Amsterdam, piste cyclable rue de Londres, deux "rues aux écoles" rue de Florence et rue de Moscou, mise en voie unique de la rue de Saint-Pétersbourg, végétalisation des rues de Clapeyron et de Turin, divers aménagements sur la place de Dublin et à la sortie du métro Liège, fermeture du "barreau" de la rue de Madrid où se trouve l'accès au métro, déviations de plusieurs lignes de bus.
Or, la réalisation de ces aménagements se traduit désormais par un véritable "gymkhana" et de nombreux embouteillages dans le quartier, tout particulièrement au niveau de la rue de Liège, depuis la place de l'Europe et jusqu'à son carrefour avec les rues d'Amsterdam et de Moscou.
Là aussi, nous devons être très vigilants sur les enjeux de mobilité des familles et, plus largement, de tous les Parisiens pour lesquels cette mobilité est contrainte par divers facteurs - logistiques, physiques, etc. J'alerte à nouveau ici sur l'enjeu de la mobilité des Parisiens, laquelle est au fondement même de notre vie urbaine, et sur les mesures qui peuvent constituer un danger pour celle-ci. Attention au caractère disproportionné des conséquences négatives de certaines mesures présentées comme "écologiques", en l'occurrence la lutte contre les SUV, les piétonnisations et les végétalisations : "enserrer" la mobilité avec une "foultitude" de mesures qui ne sont pas toujours strictement nécessaires, adaptées et proportionnées à l'ensemble des besoins des Parisiens, mais qui répondent plutôt parfois à des considérations purement "idéologiques", c'est prendre le risque d'un rejet de ces mesures, alors perçues par les particuliers et les professionnels comme inutilement "punitives" et "discriminatoires". A fortiori lorsque s'y ajoutent une masse d'autres restrictions de circulation et le renchérissement, voire la suppression, du stationnement payant des automobiles comme des deux-roues... Ces mesures ne sont pas réalistes. Elles sont même nocives, à terme, puisqu'elles tendent à opposer la transition écologique et la justice sociale, l'une et l'autre étant pourtant inséparables...
Comments