La mobilité des Parisiens de plus de 65 ans, dont la population augmente, est un enjeu majeur pour la capitale. Elle est une condition de la qualité de vie de nos aînés dans la ville. Et elle devrait être un objectif prioritaire des politiques publiques déployées pour moderniser et adapter l'espace public et les transports collectifs.
A Paris, les freins à la mobilité des aînés sont nombreux, dans l'espace public comme dans les transports collectifs. Risque d'accident, comportements inciviques, médiocrité des déambulations, trottoirs accidentogènes, rareté des bancs et manque d'assises, traversées dangereuses, sanitaires sporadiques, etc. : les freins à la marche sont pléthoriques dans l'espace public. La "marchabilité" de la ville - suivant l'expression des urbanistes - devient ainsi plus délicate à partir de 70 ans, tout particulièrement sur les itinéraires desservant commerces et services. Les aînés sont d'ailleurs surreprésentés parmi les piétons victimes d'accidents. De leur côté, les transports sont difficiles d'accès et pas toujours adaptés. La perte de mobilité de nos aînés contribue progressivement à leur isolement social et à leur perte d'autonomie.
Lors de notre Conseil du 8e arrondissement du 2 novembre 2022, à l'occasion du vote de la délibération concernant le "schéma seniors parisiens 2022-2026", j'avais déjà insisté sur la problématique de la mobilité des personnes âgées. J'avais alors fait une suggestion : que la Mairie du 8e prenne l'initiative expérimentale de réaliser un audit de la "marchabilité" de l'espace public de l'arrondissement, en associant les différents usagers concernés.
A l'occasion de l'édition 2024 de la "semaine nationale des retraités et personnes âgées" et dans la perspective d'améliorer la mobilité des aînés dans l'espace public et dans les transports collectifs du 8e arrondissement, il apparaît utile de réaliser un "audit", sous la forme d'un questionnaire en ligne, de sorte de poser un diagnostic sur la situation et de formuler des propositions d'améliorations pour adapter cet espace public et ces transports collectifs aux besoins spécifiques des personnes âgées dans l'arrondissement et à Paris.
sur la mobilité des aînés dans l'espace public et les transports collectifs du 8e arrondissement
Ci-après, pour vous aider à répondre au questionnaire, les principales améliorations souhaitables pour la mobilité des seniors - sur lesquelles nous revenons plus en détail en fin de post.
Sommaire :
L'étude de l'APUR sur la mobilité des seniors
Pour saisir les tenants et aboutissants de l'enjeu de la mobilité des seniors dans Paris, une précieuse source d'informations est l'étude publiée par l'APUR en mars 2024, intitulée "Impact du vieillissement de la population sur les mobilités dans le Grand Paris. Diagnostic et vision prospective de la mobilité des seniors".
Cette étude renseigne d'abord sur le vieillissement passé, présent et futur de la population. L'augmentation de la population âgée de 65 ans ou plus est engagée depuis 1999. Le vieillissement de la population devrait s'intensifier dans les prochaines années. A Paris, le nombre des seniors devrait augmenter de + 21 % d'ici à 2040, pour atteindre 445 400 personnes, soit alors 22 % de la population parisienne.
Dans leur mobilité quotidienne, les seniors effectuent une majorité de déplacements courts autour de leur domicile. Ces déplacements de proximité d'une portée de moins de 1,5 km représentent 70 % des déplacements des seniors à Paris. Effectués entre 9 h et 19 h, en matinée ou en milieu d'après-midi, ils ont principalement pour objectif de faire des achats et de se promener. Cette mobilité quotidienne des seniors diminue logiquement avec l'âge et les difficultés accrues à se déplacer. La sédentarité est un facteur de risque plus marqué après 85 ans. Si la marche est le premier mode de déplacement utilisé par les seniors, pour 55 % de leurs déplacements, ils sont nombreux à exprimer une gêne ou un sentiment d’insécurité lors de cette pratique. Plus de 50 % des accidents à pied mortels concernent d'ailleurs un senior. Avec le vieillissement de la population, les seniors piétons devraient augmenter fortement. Il apparaît donc nécessaire de leur faire plus et mieux de place dans l’espace public pour assurer la qualité et la sécurité de ces déplacements.
Les principaux freins à la mobilité des aînés
Parmi les freins à la mobilité pédestre des seniors figurent l'encombrement des trottoirs et la cohabitation avec d'autres modes de déplacement. Constituent aussi des freins l'étroitesse des trottoirs, l'absence de bancs et les traversées dangereuses de la chaussée.
Peu de seniors sont à l'aise pour faire du vélo en raison d'aménagements jugés inadaptés pour des usages mixtes, notamment entre les seniors et les cyclistes plus "aguerris". Les principales sources de difficultés sont le caractère discontinu des aménagements cyclables, l'absence d'aménagements cyclables à proximité du domicile, l'impossibilité de garer un vélo à destination ou à domicile, ou encore la disponibilité insuffisante de vélos en libre service.
Si les seniors sont plutôt à l'aise pour prendre les transports en commun, ils n'en rencontrent pas moins des difficultés et expriment parfois un besoin d'accompagnement. Les principales difficultés rencontrées sont l'éloignement du domicile de la station ou de l'arrêt, la peine à rester debout longtemps, le nombre insuffisant d'agents pour avoir une information ou de l'aide, la difficulté à monter et descendre du métro ou du RER, la difficulté d'accès à la station et au quai faute d'ascenseur, la difficulté à monter et descendre du bus, parfois aussi les à-coups de la conduite des autobus et des métros.
Certes, les progrès réalisés dans l'accessibilité des transports en commun aux personnes en situation de handicap servent aussi pour le confort ressenti par les seniors qui les utilisent. Le prolongement et la création de certaines lignes de métro et de tramway devraient également améliorer la situation. Mais Paris est encore loin d'une accessibilité satisfaisante de ses transports en commun. Celle-ci nécessiterait une mobilisation exceptionnelle, à la fois techniques et financière, de tous les opérateurs. Le réseau du métro parisien reste ainsi très insuffisamment accessible, notamment pour les gares en souterrain et pour les correspondances dont les couloirs sont ponctués de nombreuses volées d'escalier. Les contraintes inhérentes à la mise en accessibilité d'un réseau particulièrement ancien, dans un territoire exceptionnellement dense, sont lourdes. Un objectif atteignable à plus court terme est de cibler la mise en accessibilité des lignes de surface (bus et tramway), lesquelles sont les modes privilégiés par les seniors parmi les transports en commun, et d’adapter le confort des lignes aux critères des seniors.
Selon la loi du 11 février 2005 pour “l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées”, les transports en commun auraient dû être rendus accessibles dès 2015 : "dans un délai de dix ans, les transports collectifs seront accessibles à tous ; en cas d’impossibilité technique avérée de mise en accessibilité d’un système de transport, les transports collectifs auront trois ans pour la mise à disposition de moyens de substitution accessibles au même tarif que les transports collectifs [...]". Certes, la loi a toujours exclu le métro parisien des réseaux que la RATP devait rendre accessible à tous les types de handicap. En raison de son ancienneté et de la configuration souterraine et en courbe de ses stations, le réseau du métro parisien reste peu praticable et sera durablement difficile à rendre accessible dans sa totalité, compte tenu des difficultés techniques et du coût des travaux d’aménagement. Mais la RATP ne pourrait-elle prendre des initiatives, au-delà de ses seules obligations légales, pour rendre au moins accessibles les stations centrales ou "hub" ? Par exemple en installant des monte-escaliers, des plateformes élévatrices et des rampes d'accès, en remplaçant certains ascenseurs, en améliorant la signalétique, voire en recrutant des "porteurs" sur les principaux points noirs du réseau qui ne pourraient jamais être aménagés ? L'existant n'est pas satisfaisant... Il doit changer !
Les principales améliorations souhaitées pour la mobilité des aînés
Les améliorations souhaitées par les aînés enquêtés en matière de mobilité concerne la sécurisation des trottoirs jugés trop encombrés, afin qu’ils redeviennent des espaces dédiés aux piétons, et l’amélioration des transports collectifs - performance de l’offre de bus, mise en accessibilité du métro et du RER, mise en place d’une tarification accessible pour les personnes de plus de 65 ans, etc.
Pour faciliter les déplacements de proximité, ils proposent d'améliorer la sécurité et le confort des trottoirs et des traversées piétonnes, de s'efforcer d'atteindre l'objectif d'une ville 100 % accessible, de développer des services, commerces et équipements de proximité, d'aménager des espaces de promenade, de développer des solutions adaptées pour le vélo et de mieux articuler les aménagements cyclables et piétons. Plus globalement, l'enjeu est d'élever tous les standards de qualité, de sécurité et de confort des espaces piétons dans la ville.
Pour faciliter les déplacements en dehors du quartier, ces seniors proposent d'améliorer les performances des lignes de bus, ainsi que l'accessibilité et la qualité de l'offre des transports publics, d'adapter la tarification des transports, de proposer une offre dédiée aux seniors, de faciliter l'accès à l'information sur l'offre de transports en commun disponible, de renforcer l'offre de proximité dans le réseau de transport en commun via les "services réguliers locaux de bus", ou encore de permettre les déplacements en voiture quand c'est nécessaire.
Pour faciliter la cohabitation des usagers et des générations, ils proposent d'éduquer la population, de mieux gérer les restrictions temporaires (travaux, grèves, manifestations, etc.) et d'aménager le partage de l'espace public.
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