Comme nous l'avons déjà vu, le budget 2025 de la Ville de Paris s'inscrit dans une trajectoire des finances municipales insoutenable, laquelle génère une dette abyssale et insulte l'avenir - financier et fiscal - de Paris et des Parisiens. Cette année, par exemple, les 1,7 milliard d'euros prévus pour l'investissement et les 0,3 milliard d'euros prévus pour les remboursements d'emprunts ne sont couverts que par 0,6 milliard d'euros d'épargne brute sur le fonctionnement et 0,5 milliard d'euros de recettes d'investissement. D'où l'endettement supplémentaire pour couvrir le milliard d'euros non couvert.
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Des mots "sésames"
Pour sa défense, l'exécutif excipe que le niveau des dépenses d'investissement serait exigé par les impératifs du logement et de la transition écologique. A l'écouter, les mots "investissement", "logement", "environnement" seraient de véritables "sésames" justifiant d'ouvrir toujours plus grand les vannes de la dépense municipale. Mais l'Hôtel de Ville est-il raisonnable et responsable lorsqu'il continue d'investir à fonds perdu dans le logement social pour atteindre l'objectif supra-légal de 30% de logements sociaux d'ici à 2030, alors que Paris a déjà dépassé le niveau de 25% prescrit par la loi "Solidarité et renouvellement urbain" (SRU) ? Pour ma part, je considère qu'1 euro investi à mauvais escient est toujours 1 euro de dépense inutile.
Avec un peu de recul, en prenant les 8 années de 2018 à 2025, le montant global des investissements s'élève à 12,5 milliards d'euros, ce qui explique largement l'endettement de 9,4 milliards d'euros prévu fin 2025. En moyenne, les dépenses d'investissement ont atteint 1,6 milliard d'euros par an. Leur montant n'a jamais été inférieur à 1,3 milliard d'euros, même en 2020 en plein cœur de la crise de la Covid. Parmi les politiques publiques qui composent ces dépenses d'investissement, la politique "aménagement des territoires et habitat" représente 5 milliards d'euros, soit 40% du total des investissements, la politique "culture, vie sociale, jeunesse, sport et loisirs" 1,5 milliard d'euros (12%), la politique "transport" 1,5 milliard d'euros (12%), la politique "services généraux" 1,4 milliard d'euros (11%). Les montants des investissements dans les politiques de la sécurité, de l'enseignement, de l'action sociale, de l'action économique et de l'environnement sont moins substantiels.
L'habitat réduit au logement social, lequel dysfonctionne
Le premier poste d'investissement est de loin le logement social, avec 3,3 milliards d'euros de dépenses sur la période 2018-2025, soit l'essentiel de la politique "Aménagement des territoires et habitat", parmi lesquelles 1,4 milliard d'euros d'acquisitions, 1,1 milliard d'euros de subventions versées aux bailleurs sociaux, 0,5 milliard d'euros de crédits délégués par l'Etat (aides à la pierre) et 0,3 milliard d'euros de rachats d'actifs liés au conventionnement de logements - en fait de l'acquisition déguisée.
A contrario, la politique de soutien municipal à l'accès au logement et à l'accession à la propriété, après avoir été réduite comme une peau de chagrin en 2018 (2,2 milliards d'euros) puis 2019 (0,4 milliard d'euros), a disparu depuis 2020. Autrement dit, la Ville réduit désormais sa politique de l'habitat à la politique du logement social. Encore faudrait-il que cette dernière fonctionne...
Dans le domaine du logement social comme ailleurs, l'Exécutif municipal est dans une fuite en avant budgétaire. Alors que Paris a déjà dépassé le niveau de 25% de logements sociaux prescrit par la loi SRU, il préfère préempter des logements privés pour la réalisation de nouveaux logements sociaux plutôt que d'entretenir et rénover le parc social existant. Aujourd'hui, sur les 260 000 logements du parc social de la Ville de Paris, seuls 35 000 ont été rénovés, soit moins de 15% du parc. Chaque année, les bailleurs sociaux rénovent 3 000 à 4 000 logements. A ce rythme, il faudrait donc attendre au moins l'année 2070 pour que soient rénovés la totalité des logements sociaux du parc social parisien. Cette situation était cousue de fil blanc en raison de la pratique municipale des loyers capitalisés reçus des offices HLM, laquelle les a privés d'une partie de la capacité d'autofinancement de la rénovation énergétique de leur parc.
Alors que les Parisiens sont toujours à la recherche de logements accessibles, la Maire de Paris a finalement accentué la pénurie de logements, en se contentant de reconventionner des logements privés, en destinant 30% seulement des logements sociaux aux classes moyennes, en manquant de volonté politique pour favoriser l’accession sociale à la propriété, en augmentant de près de 5% les droits de mutation.
Les grands travaux aux dépens de la voirie du quotidien
Les travaux de voirie au sens large constituent un autre poste d'investissement important, avec 1,2 milliard d'euros de dépenses sur la période 2018-2025, parmi lesquelles 427 millions d'euros pour les dépenses de voirie, 404 millions d'euros pour les aménagements sur la voirie, 233 millions d'euros pour les circulations douces, 73 millions d'euros pour la démarche "Embellir votre quartier".
Et pour cause ! La Maire de Paris n'a eu de cesse d'investir dans l'accessoire aux dépens du principal. Elle a multiplié les dépenses de grands travaux d'urbanisme et de voirie pendant que les nids-de-poule éclosaient un peu partout sur un espace public à l'abandon. Généralement, le coût élevé de ces grands travaux est inversement proportionnel à leur utilité pour la vie quotidienne des Parisiens et de ceux qui travaillent à Paris : "réenchantement des Champs-Élysées", transformation des abords de la Tour Eiffel et de la place du Trocadéro, piétonnisation du pont d'Iéna, multiplication des opérations "Embellir votre quartier"... Sans oublier certains projets culturels ni faits ni à faire : le Pavillon des Sources, le Square de Notre-Dame... Ces grands travaux siphonnent le budget dédié à l'entretien et à la rénovation du petit patrimoine de voirie. Et ce sans la moindre prévisibilité budgétaire puisque la Maire de Paris a abandonné l'ambition de faire adopter un Programme d'investissement de la mandature (PIM) permettant de pluriannualiser les dépenses d'investissement pour les années 2020-2026.
Là comme ailleurs, la Maire de Paris doit faire plus, et faire mieux, pour la vie quotidienne des Parisiens. Y compris, s'il le faut, puisque la décision politique revient à arbitrer et à "trancher", en privilégiant les habitants sur les touristes lorsque leurs intérêts s'avèrent difficiles à concilier, voire contradictoires.
L'autobus grand oublié de la politique des mobilités
Les transports publics de voyageurs sont aussi un poste d'investissement significatif, avec 0,8 milliard d'euros de dépenses sur la période 2018-2025. Cette politique comprend quatre principaux chantiers : l'extension du tramway T3b (Porte de la Chapelle - Porte Dauphine) pour 270 millions d'euros, l’extension du RER E vers l’Ouest pour 221 millions d'euros, le prolongement de la ligne 14 St Lazare-St Ouen pour 173 millions d'euros, et le prolongement et l’adaptation de la ligne 11 pour 63 millions d'euros.
Si ce poste de dépense appelle au premier abord moins de commentaire, il confirme en négatif que l'autobus est le grand oublié de la politique des mobilités de la Ville de Paris. Selon la RATP, les autobus parisiens roulaient en moyenne en heure de pointe à 8,85 km/h en 2024, contre 9,54 km/h en 2022, 15 km/h en 2000, une vitesse plus proche de la marche à pied (entre 4 et 6 km/h) que du métro (25 km/h). De son côté, l'Association des usagers des transports (AUT) d'Île-de-France avait estimé en 2021 que les autobus passaient 39% de leur temps à l'arrêt, du fait des difficultés de circulation et des feux de circulation. La principale explication est la suivante : la Mairie de Paris n'a jamais fait de l'autobus un mode de transport prioritaire dans son "mix-mobilité" ; et les aménagements de sa politique du tout-vélo ont contribué à ralentir sa vitesse de circulation.
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