L'adoption du projet de budget primitif pour l'année 2025 - le dernier budget en année de plein exercice pour la Maire de Paris et sa majorité - a constitué l'essentiel de l'ordre du jour du Conseil de Paris du 17 décembre 2024. Le budget prévoit 11,3 milliards d'euros de dépenses, dont 1,7 milliard d'euros d'investissement. Rompant sa promesse de 2022, Mme HIDALGO n'a guère engagé le plan de 250 millions d'euros d'économies annoncé. Un mot est aux abonnés absents des 126 pages du budget 2025 : économies.
Sommaire
Une situation alarmante
Plusieurs chiffres du budget 2025 sont tout particulièrement alarmants :
La dette atteint près de 9,4 milliards d'euros fin 2025, soit une hausse de 156% depuis 2013, avec 993 milliards d'euros supplémentaires entre 2024 et 2025, franchissant les 16 ans de capacité de désendettement alors que la Cour des comptes lance l'alerte au-delà de 12 ans. La dette atteindra même 11,6 milliards d'euros en incluant la "dette cachée" des loyers capitalisés, laquelle culmine à 2,2 milliards d'euros en 2025. Pendant ce temps et de ce fait, les bailleurs sociaux s'endettent eux aussi, à hauteur de 9,2 milliards d'euros en 2022 (= 4,4 pour la Régie Immobilière de la Ville de Paris + 3,1 pour Paris Habitat + 1,7 pour Elogie Siemp).
Le service de la dette s'élève à 532 millions d'euros en 2025, soit + 71% depuis 2013. Le paiement des intérêts de la dette dépasse désormais le budget de la sécurité.
Depuis 2013, les dépenses de fonctionnement ont augmenté de 27% et, parmi ces dépenses de fonctionnement, les dépenses de personnel ont augmenté de 37%.
Depuis 2013, il y a 130 000 Parisiens de moins mais 4 000 fonctionnaires de plus.
Depuis 2013, la pression fiscale a augmenté de 36% - la cause est entendue puisque les recettes municipales reposent à 78% sur ces recettes de fiscalité.
Depuis 2013, les places de stationnement ont été largement supprimées mais les recettes de stationnement ont augmenté de près de 500%.
En 2022, les magistrats de la Chambre régionale des comptes d'Île-de-France avait déjà trouvé préoccupant le niveau d'endettement de la Ville de Paris. Ils avaient alors jugé dans leur rapport que le niveau d'investissement était trop élevé par rapport aux capacités financières de la Ville. Dans ce tableau, vous pouvez retrouver l'essentiel des comptes et budgets de la Ville de Paris pour les années 2018 à 2025.
En 2025, le déséquilibre budgétaire de la Ville de Paris s'explique encore et toujours par des dépenses de fonctionnement et d'investissement trop élevées au regard des capacités de la Ville, avec une épargne brute insuffisante. Mme HIDALGO et sa majorité ne présentent pas la moindre trace d'une volonté structurée d'économies budgétaires et préfèrent se défausser en excipant d'un environnement économique et fiscal qui comprimerait les recettes et les aurait déjà contraintes à augmenter de 52% la taxe foncière en 2023.
Mme HIDALGO et sa majorité défendent leur gestion en invoquant que Paris n'est pas déficitaire, que les comptes de la Ville sont certifiés par un commissaire aux comptes et que les agences de notation financières continuent de bien noter la capitale. Ces arguments sont fallacieux. D'abord, les collectivités n'ont pas le droit - à la différence (malheureuse) de l'Etat - de voter un budget déficitaire. Ensuite, le commissaire aux comptes certifie la seule régularité de ces derniers, rien d'autre. Enfin, les agences notent d'autant mieux Paris que ses contribuables sont solvables et que la capitale continue d'être dangereusement présentée par la municipalité comme une ville où la taxe foncière serait faible par rapport aux autres grandes agglomérations françaises (Bordeaux, Marseille, Toulouse...). Autrement dit, pour ces agences de notation, il existerait un gisement de taxe foncière non encore exploité et une capacité des Parisiens à payer des impôts supplémentaires, alors même que la pression fiscale y est bien plus élevée que dans les autres agglomérations du fait de la densité de population.
En l'état, la trajectoire budgétaire de la Ville est donc insoutenable et la charge de la dette pèsera sur les Parisiens pendant des décennies. Sauf à ce que la Ville de Paris renonce à plus d'1 milliard d'euros d'investissement en 2026, l'endettement franchira le seuil des 10 milliards d'euros en 2026. Cette trajectoire mène donc la municipalité vers un "mur" de la dette qui sera, lui, difficile à végétaliser... La tendance de la Mairie de Paris à imputer la responsabilité de sa mauvaise gestion budgétaire et de ses dépenses de personnel à des acteurs et des facteurs exogènes (inflation, revalorisations décidées par l'Etat, création de la police municipale, etc.) pave le chemin et prépare l'esprit à une nouvelle hausse d'impôts.
Le volume inconsidéré de dépenses, au-delà des charges de personnel en fonctionnement, provient de la volonté de se donner "les moyens de répondre aux défis du changement climatique et de ses impacts socio-écologiques pour une Ville encore plus solidaire, bienveillante et dynamique". Sous couvert d'un tel affichage, la Ville se donne un rôle plus grand que celui dévolu par ses attributions - elle ne solutionnera à elle seule ni le dérèglement climatique mondial, ni la crise du logement nationale et régionale - et semble plutôt poursuivre un objectif utopique et dogmatique de ville idéale, laquelle ne pourrait voir le jour qu’au prix de la ruine des finances publiques et des Parisiens. Pour la Mairie, cette "transition" n'a pas de prix ; pour les Parisiens, elle a revanche un coût.
Le remède doit être puissant
Face à la dégradation accélérée des finances de la Ville de Paris, il incombe aux élus responsables de diminuer les dépenses de fonctionnement et d'investissement. L'antidote doit être puissant et rapide. Dans cette perspective, il faut dans les meilleurs délais réduire le train de vie de l'Hôtel de Ville, maîtriser les dépenses de personnel et n'investir que pour le bénéfice direct des Parisiens. L'efficacité de chaque politique publique doit aussi faire l'objet d'une évaluation au regard du service rendu aux usagers. Dans son contre-budget 2025, le groupe Changer Paris a proposé un socle d’économies budgétaires de plus de 300 millions d’euros par an afin de sortir de l'impasse de la dette sans augmenter les impôts et en préservant la qualité des services publics municipaux.
Un 1er gisement d'économies réside dans l'arrêt de la politique de préemption d'immeubles pour la production de logements sociaux. La fonction "Aménagement des territoires et habitats" représente en effet 45% des crédits budgétaires d'investissement. Le budget d’investissement total alloué au logement social pour 2025 s'élève à 428,6 millions d'euros. Le budget dédié à la préemption est d'environ 250 millions d'euros. C'est désormais le principal levier pour la création de logements sociaux à Paris. En 2023, la Ville a préempté plus de 600 logements. En 2024, la Ville et ses bailleurs ont agrée 1 700 logements sociaux. Un record. Cette constitution d'un parc de logements sociaux s'apparente à une véritable foncière publique, à bas rendement. Or, Paris a désormais dépassé le niveau de 25% de logements sociaux prescrit par la loi SRU. Aller plus loin pour atteindre l'objectif "hidalgologique" de 30% de logements sociaux d'ici à 2030 porte en germe le risque d'aggraver l'affaissement du marché de l'immobilier et d'encourager la spéculation dans le parc privé. Arrêter la politique de préemption d'immeubles pour produire du logement social permettra ainsi de protéger le tissu social parisien et de préserver la capitale du phénomène de "ghettoïsation".
Le dossier du 37 avenue George V est emblématique de cette politique de Gribouille du logement social menée par la Maire de Paris. L'opération est enlisée depuis plus de 15 ans et le risque de dérapage des coûts est très élevé. La Mairie de Paris se félicite de créer des logements sociaux avenue George V alors qu'elle pourrait en réaliser deux à trois fois plus dans des quartiers moins chers, et que le pouvoir d'achat des futurs résidents au quotidien ne correspond pas à la réalité économique du quartier. Résultat : chaque année, il y a toujours plus de logements qui sortent du marché locatif privé, toujours plus de demandeurs de logement social et toujours plus de logements sociaux dégradés. C'est pourquoi il faut rompre avec cette politique de la préemption d'habitations et de bureaux pour les transformer en logements sociaux, laquelle représente un coût exorbitant pour les contribuables parisiens.
Un 2e gisement d'économies réside dans la mise en oeuvre effective des 35 heures de travail hebdomadaire réglementaires pour les agents municipaux, ce qui permettrait de réaliser environ 65 millions d'euros d'économie. Aujourd'hui, 75% des agents n'atteindraient pas les 35 heures. La lutte contre l'absentéisme et le non-remplacement d'un départ sur trois des fonctionnaires doivent évidemment aller de pair.
Un 3e gisement d'économies réside dans la baisse et l'encadrement des subventions aux associations. Chaque année depuis 10 ans, environ 270 millions d'euros de subventions sont accordés aux associations. Or, certaines subventions sont très éloignées des besoins quotidiens de Paris et des Parisiens. C'est tout particulièrement le cas dans le domaine de la coopération décentralisée et de l'action internationale de la Ville de Paris, dont le périmètre n'est ni clair ni évident, comme l'avait déjà relevé la Chambre régionale des comptes dans un rapport de 2019. Florilège 2025 : 80 000 euros pour l'accès à l'eau et l'assainissement près de Ouagadougou au Burkina Faso, 33 000 euros pour la réduction des déchets à Katmandou, 15 000 euros pour "essaimer le modèle de développement alternatif durable avec perspective de genre de la Mesa Hunzahua en Colombie"... C'est pourquoi il faut supprimer les subventions aux associations dont l'objet est sans rapport direct avec l'intérêt général de Paris et des Parisiens, réduire - voire interrompre - les subventions aux associations dont l'action est manifestement militante et / ou politique, renforcer la transparence et le contrôle de la bonne utilisation par les associations des crédits budgétaires qui leur sont alloués.
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